Repartir à zéro. C’est la décision prise par un père sans travail, dont la femme est morte trop jeune. Avec ses trois filles, ils quittent le Nord pour l’aventure : entrer dans le vert de la jungle et reconstruire une vie. Seuls au début, ils sont rejoints par d’autres personnes venues du Nord. On abat des arbres, un village grandit, une école réunit les enfants. Les animaux s’éloignent. Un seul danger menace au loin, le grand carnivore. Racontée par l’une des trois sœurs, l’histoire a le ton d’un simple reportage. L’image dit l’essentiel. La jungle où il faut chercher le père et ses trois filles.
Tout est vert, d’un vert sombre mêlé de noir car la lumière ne filtre pas. Le jeu graphique consiste à faire ressentir la progression des habitations et le recul de la végétation avec de plus en plus de blanc laissé sur la page. Le suspense est maintenu par la menace du « grand carnivore » dont la brève apparition révèle à la fin ce qui reste de nature sauvage pour des animaux qui étaient souverains dans leur milieu naturel. Qui doit avoir peur de qui ? L’album invite à une réflexion sur les rapports de l’homme et de la nature. Sa dimension artistique fascine et plonge au cœur du problème. (A.-M.R.)