Une question de mort et de vie

YALOM Irvin D., YALOM Marilyn

Irvin Yalom (Comment je suis devenu moi-mĂȘme, Les Notes septembre 2018), psychiatre rĂ©putĂ© dans le monde entier, et son Ă©pouse Marilyn, écrivain et fĂ©ministe convaincue, grande spĂ©cialiste de la littĂ©rature française, ont enseignĂ© Ă  l’universitĂ© de Stanford. À quatre-vingt-huit et quatre-vingt-sept ans, ils continuent d’écrire et d’avoir une vie intellectuelle intense. Irvin a cependant cessĂ© de recevoir ses patients depuis deux ans
 EntourĂ©s de leurs amis, enfants et petits-enfants, ils mĂšnent une vie confortable dans une grande maison de Palo Alto. Jusqu’au jour oĂč Marilyn apprend qu’elle est atteinte d’un myĂ©lome multiple, incurable, qui lui procure des douleurs intolĂ©rables. Irvin n’est pas en grande forme non plus, il a des oublis et des pertes d’équilibre. Ils se sont toujours soutenus l’un l’autre avec un amour profond depuis soixante-sept ans qu’ils sont mariĂ©s. Marilyn dĂ©cide d’Ă©crire avec lui un livre Ă  deux voix qui les mĂšnera jusqu’au suicide mĂ©dicalement assistĂ© (dĂ©crit ensuite avec une prĂ©cision bouleversante), auquel elle aspire. En chapitres alternĂ©s, chacun – tous deux Ă©tant rĂ©solument incroyants – confie Ă  sa maniĂšre comment il vit ce temps suspendu au dessus du gouffre de la mort. La luciditĂ© et la sĂ©rĂ©nitĂ© de la malade, se rĂ©servant le choix du « bon moment » pour partir, sont impressionnantes. Ses pages Ă  lui, qui comme thĂ©rapeute a aidĂ©s de nombreux patients en phase terminale, sont pleines de longues rĂ©flexions trĂšs profondes sur la mort, mĂ©lange d’anxiĂ©tĂ© et d’acceptation. Elles dĂ©montrent bien sa prise de conscience tardive : il y a loin de la thĂ©orie au vĂ©cu. La fin du livre dans laquelle il confie la douleur de l’absence et sa reconstruction progressive – parce que c’est ce qu’elle aurait souhaitĂ© – est profondĂ©ment Ă©mouvante. Un hymne à l’amour, poignant et lumineux. Un tĂ©moignage criant de vĂ©ritĂ© et d’humanitĂ© qui brave les tabous d’une Ă©poque. (A.M. et M.-N.P.)