Un paquebot dans les arbres

GOBY Valentine

Odile et Paul tiennent un cafĂ© Ă  la Roche-Guyon dans les annĂ©es cinquante. Ils sont apprĂ©ciĂ©s de tous, surtout Paul, le joyeux drille qui anime les soirĂ©es au son de son harmonica, sous les yeux Ă©merveillĂ©s de ses trois enfants : Annie, Mathilde et le petit Jacques. Mathilde a douze ans quand son pĂšre, tuberculeux, doit partir au sanatorium d’Aincourt, « le paquebot dans les arbres », suivi de sa femme, moins gravement atteinte. La famille est Ă©clatĂ©e, l’aĂźnĂ©e des enfants se marie trĂšs tĂŽt, les deux plus jeunes sont placĂ©s dans des familles d’accueil et vivent dans une grande misĂšre. Mais Mathilde est dĂ©brouillarde et fait des pieds et des mains pour rendre visite Ă  ses parents et obtenir la garde de son petit frĂšre.  C’est un beau roman d’amour noir entre une fille et son pĂšre qu’offre ici Valentine Goby (Kinderzimmer, NB juillet-aoĂ»t 2013). La lente descente aux enfers que vivent ses protagonistes pendant les « trente glorieuses » est particuliĂšrement bien rendue. La tuberculose, maladie honteuse parce que contagieuse, la SĂ©curitĂ© sociale, qui ne prend en charge que les salariĂ©s ou presque, et les prĂ©mices de la guerre d’AlgĂ©rie sont dĂ©taillĂ©s avec minutie. La description du sanatorium d’Aincourt est magistrale. Voici un beau portrait de jeune femme, qui gagne son indĂ©pendance Ă  la force du poignet et se bat courageusement face Ă  l’adversitĂ©. (M.-F.C. et S.L.)