Un bon musulman

ANAM Tahmima

Dacca, dĂ©cembre 1971. Une guerre meurtriĂšre de quelques mois contre le Pakistan arrive Ă  son terme. Voici les Bangladais libres dans une nation qui vient de naĂźtre, mais aprĂšs un tel tumulte et un tel bain de sang, la paix est un long chemin. Un frĂšre et une soeur issus de la bourgeoisie intellectuelle musulmane ont des parcours diamĂ©tralement opposĂ©s. Maya, forte de ses Ă©tudes de mĂ©decine, quitte le bungalow de son enfance Ă  Dacca pour travailler dans des services dĂ©diĂ©s aux femmes victimes des viols de la guerre, puis dans son propre dispensaire. Quant Ă  son frĂšre tant aimĂ©, le beau Sohail, les horreurs de ce conflit l’ont marquĂ© au point de le faire basculer dans l’intĂ©grisme religieux le plus radical ; aprĂšs sept ans d’absence, comment Maya le reconnaĂźtrait-elle dans ce mollah ? Comment renouer avec cet ĂȘtre qui la met si mal Ă  l’aise ? Veuf depuis peu, il est pĂšre d’un petit garçon de cinq ans dĂ©laissĂ© au profit de ses nombreux fidĂšles. Maya fera tout pour tenter de retrouver le Sohail d’autrefois. L’enfant ajoute sa note pathĂ©tique au dĂ©sarroi de la jeune femme. Et cela, jusqu’à quelle extrĂ©mitĂ© ? Tahmima Anam, aprĂšs un beau portrait de Rehana Haque, mĂšre de Maya et Sohail dans Une vie de choix, son premier roman, poursuit par touches sensibles cette fresque socio-historique oĂč sont Ă©voquĂ©s les problĂšmes traversĂ©s par le Bangladesh. NĂ©e Ă  Dacca, elle sait en rendre l’ambiance, la vie, la terrible promiscuitĂ©. Mais plus que la misĂšre, ce qui la prĂ©occupe c’est manifestement le sort et l’avenir incertain des femmes dans son pays natal. Ainsi, aprĂšs avoir partagĂ© un idĂ©al d’égalitĂ© et d’indĂ©pendance, ses hĂ©ros, le frĂšre et la soeur, incarnent deux conceptions du monde : la modernitĂ© Ă©mancipatrice et l’obscurantisme machiste de la religion. Cela pourrait ĂȘtre manichĂ©en, voire rĂ©ducteur, mais il n’en est rien ; dans ce roman dense et trĂšs attachant, qui passe alternativement de l’aprĂšs- guerre aux annĂ©es quatre-vingt, l’amour sous toutes ses formes, filial, fraternel, maternel, tisse sa toile ou plutĂŽt hisse sa voile sur les eaux toujours prĂ©sentes du delta du Gange et du Brahmapoutre
 Impossible de ne pas se laisser emporter !