Destination Irkoutsk, BĂąle ou Bombay, roulent les trains de nuit avec leurs gares, leurs retards et leurs passagers qui partagent pour quelques heures l’intimitĂ© la plus dĂ©sarmĂ©e, celle du sommeil. La voyageuse, une timide et modeste danseuse qui va de scĂšne en scĂšne, les a souvent pris et un narrateur, âdeus ex machinaâ ferroviaire, raconte Ă sa place ses trajets anciens ou rĂ©cents et ses rencontres, bizarres, oniriques, inquiĂ©tantes, comiques parfois, qui se succĂšdent, sans se ressembler. Ces rĂ©cits Ă la deuxiĂšme personne, avec la distance que ce procĂ©dĂ© instaure, accentuent le malaise dĂ©jĂ créé par la nuit mouvante, le huis clos des wagons et la vulnĂ©rabilitĂ© de la jeune femme.  Yoko Tawada vit en Allemagne, Ă©crit en allemand aussi bien qu’en japonais (cf. analyse prĂ©cĂ©dente et Opium pour Ovide : notes de chevet sur vingt-deux femmes, NB novembre 2002) ; elle a sans doute beaucoup fantasmĂ© dans les trains de nuit et restitue, avec une invisible adresse, une expĂ©rience personnelle sublimĂ©e par un talent littĂ©raire Ă©vident.
Train de nuit avec suspects.
TAWADA Yoko
