Tête de mule

TORSETER Øyvind

Il était une fois, dans un lointain château, un roi qui adorait ses sept garçons. Les aînés, partis chercher princesse à leur pied, oublièrent leur promesse d’en ramener une au benjamin resté auprès de leur père. Un troll, à la tyrannie facétieuse, stoppa net leur périple en les pétrifiant avec leurs belles, à l’entrée de son antre. Dans l’ignorance de ce malheur, le roi, désolé de ne les voir revenir, laissa Tête de Mule, son petit dernier, partir à leur recherche …

Ainsi commence le conte dans sa couverture enluminée, vite relayé par la narration en images des aventures de Tête de Mule. Adapté très librement des Sept Corbeaux de Grimm et d’un conte norvégien, TheTroll with no Heart in his Body, il parodie le traditionnel récit initiatique : flanqué pour le contrepoint d’un compagnon de route peu enclin à l’héroïsme, « un vieux canasson nerveux », le jeune-homme-au-grand-coeur va, d’épreuve en épreuve, décliner ses vertus avant de vaincre Le Monstre. D’emblée, ce classique est détourné en péripéties déjantées et rencontres farfelues-un éléphant, une pieuvre, un loup-  dans un univers désertique  rocailleux, puis  dans l’extravagant domaine du Troll avec ses labyrinthes, échelles de corde, nacelles et autres, où nichent, à hauteur de ses orgies, squelettes et fantômes. Tout en déséquilibres, ces constructions fantaisistes et brinquebalantes  font battre le coeur pour le vaillant héros jusqu’à sa rencontre-de très bon augure – avec une jolie prisonnière… qui cuisine à merveille le gruau ! Fine mouche, elle guide l’audacieux qui doit briser le coeur du troll pour rompre le sortilège, dans une chasse extravagante… jusqu’ au fond d’un pot de confiture. Effets comiques garantis dans un texte décalé, entre prosaïsme et envolées lyriques feintes.  Pour servir la narration, la mise en pages  différencie par la couleur les étapes de l’aventure. Un fin trait noir  dessine les personnages, mouvement et émotions confondus, en saynètes poétiques ou caricaturales. Ceux qui doivent réapparaître pour prêter main forte au héros qui les convoque en rêve, sont prêts au déplacement, délimités par une ligne de découpe : le merveilleux a son traitement graphique. Pour tout public.  (C.B et A.M.R. )