Arménien d’origine, pianiste reconnu pour ses enregistrements de Debussy, Samuel Pakhchelian a pris brusquement du recul après la mort de sa grand-mère chérie « Mayrig », à laquelle il doit sa réussite musicale. Ayant pourtant accepté un concert en Normandie, près de Balbec où il passait ses vacances avec sa grand-mère, il met ses pas dans ceux de son enfance, dans une station qui a bien changé. Sur la terrasse d’un hôtel transformé en appartement, il aperçoit soudainement une silhouette qui lui évoque familièrement celle de Mayrig, qui paraît aussi le reconnaître. C’est l’amorce d’une relation douce, affectueuse et féconde, immédiate et rêvée, avec celle qui s’avère écrivain.
Dans ce court, poétique et facétieux roman fantastique, aux références ouvertement proustiennes, Renaud Meyer (Tabloïds, Les Notes septembre 2006) livre un ouvrage plein de surprises et de sensibilité, servi par une écriture musicale et limpide. Il solfie en filigrane sur le thème du monde parallèle qu’ouvre la création littéraire, en reconstruisant le passé et autoréalisant l’avenir. La construction sophistiquée du récit, à plusieurs étages (un roman écrit par une jeune fan du pianiste, croisée dans une librairie parisienne, qui prolonge ceux écrits par l’autrice âgée qu’il a rencontrée à Balbec, dans lesquels il jouait à son insu un rôle important) renforce, avec une évidence pourtant naturelle et sensiblement incarnée, l’intérêt de cette réflexion sur le processus créatif et les rapports de la mémoire au réel. Un très ludique moment de lecture (D.M.-D. et A.Be.)
