Nulle part.

REZA Yasmina

Voici une très jolie composition, fraîche comme une esquisse, une suite d’instantanés tracés par l’écriture sur le papier, à travers un cheminement du présent vers le passé, en trois générations, une histoire familiale ébauchée avec beaucoup de charme. Dans ce bref récit, sans doute autobiographique, Yasmina Reza, en opposition à Dans la luge de Schopenhauer (voir analyse ci-dessus), livre sa part de lumière comme dans Hammerklavier (N.B. mars 2003). Elle sait, comme nul autre, dire la tendresse d’une mère pour ses enfants, retenir avant qu’elles ne s’envolent des paroles essentielles, exprimer le bonheur, mais aussi l’ambivalence et l’inquiétude du présent. Apatride, femme de Nulle part, sans terre et sans racines, elle croit n’avoir pas de souvenirs, mais ils émergent, ténus, à la faveur d’une phrase, ou se dévoilent dans une photo, un tableau ou un film.

C’est surtout l’acte d’écrire qui est en filigrane dans ce récit et l’écriture, fluide, légère, se déroule comme une phrase musicale qui va au fond des êtres et fait tout le bonheur de lire.