Malléable, bon conducteur, l’étain entre dans la construction des téléphones portables. Sa production insuffisante en fait un métal rare, à l’origine de multiples trafics. Les gisements du Kivu congolais sont exploités dans des conditions proches de l’esclavage. Lors de son acheminement jusqu’au port de Dar-el-Salaam, à dos d’hommes, par petits avions, sur les routes rwandaises et tanzaniennes, le minerai est l’objet de rançons et vols de toutes sortes : avant embarquement pour les fonderies de Malaisie, plus des deux tiers de la production auraient disparu. À quoi sert l’argent que ce pillage génère ? Des experts estiment qu’une partie financerait 80% des dépenses de guerre du Rwanda. Les industriels concernés peuvent-ils ignorer cette sanglante réalité ? Depuis une enquête faite de nombreuses interviews et d’observations directes sur les circuits de l’étain, l’auteur (Chirac d’Arabie : les mirages d’une politique française, NB décembre 2006) aborde l’ensemble de la chaîne de production électronique. Il démontre comment, du Kivu à Kigali, de Dar-el-Salaam à Kuala Lumpur, mais aussi de Shanghai à Londres et New York, la cécité volontaire des grands groupes industriels et, au-delà, de la finance pérennisent l’implacable cercle de corruption, misère et violence au Congo. Une éloquente démonstration sur l’existence d’une filière criminelle au sein d’un secteur phare de la consommation contemporaine.
Minerais de sang : les esclaves du monde moderne
BOLTANSKI Christophe