Minerais de sang : les esclaves du monde moderne

BOLTANSKI Christophe

Malléable, bon conducteur, l’étain entre dans la construction des téléphones portables. Sa production insuffisante en fait un métal rare, à l’origine de multiples trafics. Les gisements du Kivu congolais sont exploités dans des conditions proches de l’esclavage. Lors de son acheminement jusqu’au port de Dar-el-Salaam, à dos d’hommes, par petits avions, sur les routes rwandaises et tanzaniennes, le minerai est l’objet de rançons et vols de toutes sortes : avant embarquement pour les fonderies de Malaisie, plus des deux tiers de la production auraient disparu. À quoi sert l’argent que ce pillage génère ? Des experts estiment qu’une partie financerait 80% des dépenses de guerre du Rwanda. Les industriels concernés peuvent-ils ignorer cette sanglante réalité ? Depuis une enquête faite de nombreuses interviews et d’observations directes sur les circuits de l’étain, l’auteur (Chirac d’Arabie : les mirages d’une politique française, NB décembre 2006) aborde l’ensemble de la chaîne de production électronique. Il démontre comment, du Kivu à Kigali, de Dar-el-Salaam à Kuala Lumpur, mais aussi de Shanghai à Londres et New York, la cécité volontaire des grands groupes industriels et, au-delà, de la finance pérennisent l’implacable cercle de corruption, misère et violence au Congo. Une éloquente démonstration sur l’existence d’une filière criminelle au sein d’un secteur phare de la consommation contemporaine.