MissionnĂ©s par la bibliothĂšque du CongrĂšs, John et Alan Lomax parcourent le sud des Ătats-Unis en 1933, pour recueillir les chants spontanĂ©s des planteurs de coton, ces folk songs qui expriment la rĂ©volte de tout un peuple opprimĂ©. Munis d’abord d’un phonographe Ă rouleau de cire, puis d’un enregistreur Ă©lectrique, ils parcourent la campagne, en butte Ă la mĂ©fiance des noirs et Ă l’hostilitĂ© des shĂ©rifs. Pourtant ils feront de belles collectes, grĂące Ă des chanteurs audacieux. Mais on ne trouble pas impunĂ©ment l’ordre public et la justice est parfois expĂ©ditive.
TrĂšs dense, le dessin en noir et blanc croque avec rudesse des personnages pris sur le vif. Leurs visages sont dĂ©formĂ©s par leurs questionnements, leurs angoisses ou leur brutalitĂ©. Quelques dĂ©cors bĂ©nĂ©ficient de plus de relief, tandis que le trait se fait plus lĂ©ger pour la mise en scĂšne muette de quelques-unes des histoires qu’Alan tape frĂ©nĂ©tiquement sur son clavier bruyant. En faisant sortir de l’oubli les collecteurs de chants, Duchazeau, qui a fait une longue enquĂȘte, rĂ©veille aussi la mĂ©moire d’un monde Ă la Steinbeck oĂč se rĂ©vĂšle toute la force humaine d’un peuple de misĂ©reux. Seule frustration, celle de ne pouvoir entendre le fruit de la collecte !
