Les sorcières de la République

DELAUME Chloé

En 2062 s’ouvre en France le procès très attendu de la seule représentante d’une poignée de déesses descendues de l’Olympe pour établir, dans un pays à domination masculine, l’avènement d’une ère moins pire : l’époque bénie des potagers partagés, des quiches et de la sororité. On attend de l’accusée le récit des trois années qui suivirent la victoire du parti féministe du Cercle entre 2012 et 2017. Des années volontairement occultées, appelées le Grand Blanc.

Depuis toujours Chloé Delaume pratique une écriture multiforme dans une recherche originale. Hors des carcans traditionnels et d’une plume sûre, elle intègre à un récit complètement « fêlé », où les dieux de l’Olympe ont des déboires presque humains, le tableau social d’une France où « la déception est une habitude ». Savoureuse, quand la sorcière crache son venin politique avec un humour potache, drôle quand Jésus échange des mails avec Artémis, détonante par ses ruptures de style, l’histoire pêche cependant par une logorrhée déjà soulignée dans Une femme avec rien dedans (NB mars 2012). La critique ne peut être rationnelle face à un livre si difficile à classer, mais force est de reconnaître à l’auteure une intelligence pétillante au service d’une écriture sans limites. (Maje et C.-M.M.)