Le rire du grand blessé

COULON Cécile

Les “vieux” livres sont désormais interdits. Détruits, remplacés par des ersatz normalisés et anodins. Ce programme politique d’asservissement intellectuel s’inspire, en les dénaturant, des découvertes du docteur Lucie Nox sur les bienfaits thérapeutiques de la lecture. L’Agent 1075 a été rigoureusement sélectionné, avec d’autres jeunes gens analphabètes sans ressources, pour assurer la sécurité de gigantesques lectures publiques organisées pour le bien-être émotionnel de la population. Mais gravement blessé lors d’une mission, ce qu’il découvre à l’hôpital ébranle sa dévotion aveugle pour le régime. La littérature et la lecture comme cibles du totalitarisme sont au centre de ce court roman d’anticipation. Même si de grands titres passés à la postérité ont déjà illustré le thème, le scénario étonnant du quatrième roman de la très jeune Cécile Coulon (Le roi n’a pas sommeil, NB mars 2012) fait réfléchir en poussant à l’extrême des situations familières : le nivellement de l’offre des ouvrages au détriment de la variété des créations, la massification culturelle conduisant à l’effacement du libre-arbitre du lecteur. Une parabole habile sur les liens entre le politique et le culturel.