Elle passe au tribunal pour le procès de ses agresseurs – ou bien est-ce le sien ? N’était-elle pas consentante, ne l’avait-elle pas bien cherché, comme ils l’affirment ? Elle a été victime de viols en réunion pendant 6 mois quand elle avait 16 ans. Il lui a fallu 15 ans pour réussir à parler, à porter plainte. 15 ans, 70 kg supplémentaires de chair en protection, une vie recluse, solitaire, brisée. Ses agresseurs, eux, sont devenus de « bons pères de famille » et seront peu ou pas condamnés. Qui lui donnera une voix ? Qui l’a vraiment écoutée ?
Un texte écrit à partir du procès dit des « tournantes » de Fontenay-sous-Bois, qui s’est tenu en 2012. Chaque bref chapitre s’ouvre sur « C’est tout noir et marche devant seule droite, avance en face debout » et se clôt sur « Je m’assois par terre étourdie ». L’écriture invocatoire, lancinante, accumule les mots comme une litanie. Ces mots qui reviennent sans fin disent les violences subies, la souffrance, l’enfermement, la mort intérieure, la honte, la peur, le sentiment d’injustice, l’impossibilité de passer à autre chose. Peu à peu, l’envie d’exister à nouveau apparaît, timidement. C’est un cri, un appel bouleversants. Un texte puissant. Réédition de 2014. (M.D. et P.E.)