Le chagrin et le venin : la France sous l’Occupation, mémoire et idées reçues

LABORIE Pierre

Dans l’immédiat après-guerre, l’exaltation du rôle de la Résistance durant les années sombres de l’Occupation masque un malaise dans la mémoire encore fraîche des Français. En réaction contre ce que certains qualifient de « résistancialisme », une vulgate se développe à partir des années 1970, affirmant, comme une évidence, que les Français, dans leur quasi-totalité, se sont accommodés sans états d’âme de leur asservissement, avec une totale indifférence au sort abominable des Juifs.

 

S’appuyant notamment sur le retentissement du film Le Chagrin et la Pitié de Marc Ophüls, et sur le dévoiement de la table ronde télévisée avec les époux Aubrac, l’historien Pierre Laborie dénonce les amalgames, les généralisations, les intimidations qui ont fondé ce prêt-à-penser dû à la raréfaction des témoins de l’époque, la « repentance » et la honte de leur passé auxquels nombre de nos compatriotes se croient obligés moralement d’adhérer. L’ouvrage tient peu compte de l’évolution des esprits de 1940 à 1944, ce qui est dommage, mais est par ailleurs bien documenté.