L’archiviste

KOSZELYK Alexandra

« La nuit Ă©tait tombĂ©e sur l’Ukraine Â». Une ville bombardĂ©e. Dans ce monde Ă  l’envers oĂč « un orage gronde comme une salve d’obus Â», vit une jeune femme, K, entre l’appartement de sa mĂšre mourante et la grande bibliothĂšque dont elle est l’archiviste. On a cachĂ©, dans les sous-sols, tous les trĂ©sors de la ville : statues, objets d’art, livres
 qu’elle rĂ©pertorie assidĂ»ment. Survient un homme, manteau noir et feutre, incarnation du Mal. Il lui propose un marchĂ© diabolique :  falsifier les Ɠuvres qu’il lui dĂ©signera, pour les dĂ©faire de leur signature ukrainienne, contre la vie de sa mĂšre, puis de sa sƓur.

Le dĂ©nouement met un point final tragique au rĂ©cit de ce lent supplice, sans ellipses ni raccourcis, rythmĂ© dramatiquement par ces rendez-vous. L’intrigue, Ă©videmment plausible, sert d’ancrage Ă  une rĂ©flexion plus gĂ©nĂ©rale et tout aussi poignante sur ce qui fait l’identitĂ© d’un peuple : sa langue, sa culture que l’envahisseur s’applique Ă  rĂ©duire Ă  nĂ©ant ; « dĂ©truire ce qui est pĂ©renne », tous les conquĂ©rants l’ont tentĂ© pour dĂ©naturer un peuple en le privant de son essence. Nous voici de plain-pied, Ă©merveillĂ©s et un peu honteux, parmi ces esprits qui ont fait l’Ukraine, ses Ă©vĂ©nements, ses couleurs, ses parfums, sa terre. La romanciĂšre leur rend vie dans la langue pure de l’émotion et de la fiertĂ© de rester soi, en feignant de plier comme le fait son hĂ©roĂŻne. L’hommage est celui d’une rĂ©sistante.  (C.B et J.G)