La nuit du Vojd

Après de brillantes études, entré comme son père avant lui à « l’Organisation », Ivan Zamiatine est envoyé par celle-ci dans une usine afin d’y découvrir et stigmatiser les défaillances humaines affectant l’efficacité de la production. Espérant gagner l’estime de ses supérieurs, en particulier du Vojd, l’arbitraire chef suprême, et profiter des privilèges accordés aux cadres bien vus, il sacrifie à un travail aliénant ses rêves et ses amours, et se laisse entraîner à la délation et au harcèlement. Jusqu’au drame…

Le contexte volontairement ambigu – l’action se passe-t-elle ou non sous Staline ? – dans lequel Hervé Bel situe son histoire participe à la réussite du livre. Ce premier roman est une parabole mettant dans le même sac l’atmosphère étouffante et angoissante du régime stalinien et celle, très dure et déshumanisante de l’entreprise moderne, deux univers dont l’auteur est visiblement familier. Il décrit l’engrenage poussant à toutes les compromissions des personnes en quête de réussite sociale. Et fait une satire simultanée du pouvoir et des organisations cyniques qui manipulent, broient les hommes au nom de la productivité, et des faiblesses de l’individu piégé par ses ambitions.