La fille de personne

LADJALI CĂ©cile

Le pĂšre de Luce avait fui dĂšs sa naissance. Sa mĂšre, mourante, exige qu’elle le retrouve. Deux indications : une photo d’époque et son goĂ»t pour les livres et les voyages. Luce, qui prĂ©pare une thĂšse sur les grandes bibliothĂšques – souvent incendiĂ©es -, se rend Ă  Prague en 1912 pour ĂȘtre bonne dans la famille Kafka. L’air doux et mystĂ©rieux de Franz la sĂ©duit d’emblĂ©e et il la laisse lire ses carnets. Paris, avril 1951 : Luce rencontre Sadegh Hedayat, Ă©crivain iranien exilĂ© et mĂ©connu. Il lui rappelle Franz, qu’il vĂ©nĂšre d’ailleurs. Ils se voient quotidiennement pendant une semaine.

CĂ©cile Ladjali (BĂ©nĂ©dict, Les Notes janvier 2018) place sa narratrice imaginaire dans des situations souvent puisĂ©es dans les textes des deux Ă©crivains. La cohabitation est rĂ©ussie, sous-tendue par l’image du pĂšre : dĂ©testation rĂ©ciproque de Franz et de son pĂšre, et Sadegh (beaucoup moins cĂ©lĂšbre) chassĂ© de son pays, rejetĂ© par sa famille. Pessoa et Nietzsche s’invitent aussi
 La narratrice est une « passeuse » qui lie modestement – mais magistralement – cette « fratrie d’auteurs ». L’écriture, prĂ©cise et Ă©rudite, peut surprendre et sĂ©duire aussi. Une lecture un peu exigeante cependant pour ce roman court et dense. (M.-C.A. et A.-M.D.)