La femme qui ne savait pas garder les hommes

KHOURY-GHATA VĂ©nus

La confiture chante dans la bassine de cuivre, les cendres de son vieux mari viennent d’ĂȘtre Ă©parpillĂ©es. Comme l’ont Ă©tĂ© celles du jeune mari. Elle n’a jamais su garder les hommes qui partageaient sa vie. Ils sont lĂ  pourtant, parlent, chuchotent, se rĂ©fugient en hiver prĂšs du radiateur. Dans la grande hacienda du vieux mari, une morte vivait aussi, vĂ©nĂ©rĂ©e de ses serviteurs indiens. Mais le vieux mari revenait toujours chez elle, Ă  Paris. Il y a vieilli, perdu sa superbe. Elle, elle nettoyait la cuisine, Ă©crivait. L’écriture ramĂšne-t-elle Ă  la vie ? Le frĂšre poĂšte en est mort, au Liban, chez les fous. Le vĂ©cu n’a de sens qu’une fois Ă©crit. Comment parler de tout ce que contient un si petit livre? Une longue vie, prise Ă  rebours, d’un mort Ă  l’autre, du Mexique au Liban Ă  Paris, des oiseaux-mouches aux pigeons
 L’intimitĂ© du foyer, les parquets luisants, les placards Ă  linge rangĂ©s, les lauriers taillĂ©s, les repas prĂ©parĂ©s aux amis, les chats Ă  l’affĂ»t des odeurs disparues
 La prĂ©sence de l’enfant, sa joie lĂ©gĂšre
 Les mots retenus qui se disent trop tard, murmurĂ©s Ă  la nuit
 Ceux de VĂ©nus Khoury-Ghata sont d’une densitĂ© bouleversante. (M.W. et B.V.)