La dernière neige

CAMENISCH Arno

Une station de ski dans les Alpes suisses et un unique téleski devant lequel personne ne se presse… Sur ce petit bout de montagne en début de saison, Paul et Georg, les deux préposés à la bonne marche du lieu, attendent, qui pelletant la première neige, qui préparant la caisse enregistreuse, qui surveillant le balancement régulier des arbalètes. Ils attendent, emplissant le vide de la journée de commentaires sur le vif, de souvenirs, de réflexions sur la vie en général, Paul, bavard intarissable remonté comme un coucou, Georg lui donnant une réplique spartiate de taiseux.

Huit chapitres au cours desquels la parole coule comme passent les jours en associations d’idées, en disputes insignifiantes sur les procédures de routine qu’ils respectent religieusement, en hypothèses sur l’inéluctable fonte des neiges qui fera descendre dans la vallée les ours polaires et les morts en montagne de naguère, en réflexions enfin sur l’existence. Car ils philosophent, ces deux compères : leur duo bien accordé mérite le respect, empreint du souci du travail bien fait, d’indignations légitimes et d’inquiétude pour le monde à venir. Sérieux et tellement drôles dans des répliques de comptoir mises au vert ! Deux libres-penseurs à leur manière simple, cocasse et absurde qui attendent la neige, le client et quoi d’autre ? comme les héros de Beckett attendaient Godot. Dans une prose savoureuse, pittoresque et poétique, remarquablement traduite. (C.B et A.M.D)