La couleur de l’air

BILAL Enki

À bord de leur dirigeable poubelle, Louissa et Louisa échangent des citations de Nietzsche et de Bakounine, qui émergent à leur conscience lorsque l’appareil s’enfonce dans les masses nuageuses. La situation n’est guère brillante. La soute de l’engin est bourrée de déchets nucléaires et le pilote a été éjecté lors d’une collision. Pendant ce temps, une femme chevauche un dauphin d’où émerge un homme. Un être sans visage chevauche le désert avec une femme ligotée en croupe. Deux autres personnages suivent la direction désignée par un nuage en forme de flèche. Tous semblent converger vers un lieu étrange où la Terre, en plein « coup de sang » va se venger du mal et de la guerre avant l’instauration d’un nouvel Éden.

L’étonnante puissance évocatrice de l’image sauve un ouvrage dont le thème, en forme de jugement dernier laïc, à mi-chemin entre l’écologie extrême et le new-age, pourrait faire sourire. La force du dessin, son crayonné appuyé, ses teintes glauques soulignées de sang, emportent le lecteur dans un tourbillon de représentations fantastiques. Vers la fin du récit, les couleurs se réchauffent et les personnages dénudés peuvent vaquer dans le riant séjour qui leur est offert, tandis que les fauteurs de mal ont été absorbés par la planète.