Juliana les regarde

ROSERO Evelio

Dans les beaux quartiers de Bogota. Juliana, dix ans, veut un bateau, pas une poupĂ©e. Et pourquoi pas un petit frĂšre ? Maman ne la traiterait plus de garçon manquĂ©, et arrĂȘterait de boire du whisky. Et papa ne jouerait plus Ă  lui mordre le nombril. Lors d’une fĂȘte trĂšs chic autour de la piscine familiale, elle se fait une nouvelle amie, Camila. Leurs jeux dans l’eau les isolent des adultes, indiffĂ©rents aux enfants et livrĂ©s autour d’elles Ă  leurs excĂšs habituels : drogue et drague.   Paru en1986, ce premier roman d’un auteur colombien reconnu aujourd’hui, Evelio Rosero (Le carnaval des innocents, NB mars 2016), abordait les sujets pĂ©rilleux de l’abus sexuel sur enfant et de la sexualitĂ© enfantine. D’une lecture souvent inconfortable, on retient le tour de force d’un Ă©crivain trentenaire qui se coule dans le personnage d’une trĂšs jeune narratrice. Les conditions troubles de l’Ă©veil Ă  la sexualitĂ© des fillettes passent par le filtre de leur regard neuf, et sont interprĂ©tĂ©es ou fantasmĂ©es Ă  l’aune de leur imaginaire complexe et multiforme. En arriĂšre-plan, s’impose la dĂ©nonciation sans appel des moeurs perverties de nantis, gouvernants et religieux colombiens et la complicitĂ© aveugle ou intĂ©ressĂ©e des parents. DĂ©rangeant et douloureux. (T.R. et M.-C.A.)