Je ne répondrai plus jamais de rien

LÊ Linda

Elle est décédée seule comme elle a vécu. Réfugiée d’un pays en guerre civile, elle est tombée amoureuse d’un prestigieux avocat spécialiste du droit d’asile qui l’a sauvée de l’insécurité en l’épousant. Mais son Chevalier a fini par la quitter pour une autre, sa maîtresse, même après la naissance de leur fille. Celle-ci déteste son père qu’elle accuse d’avoir rendu sa mère malheureuse.

Linda Lê (Héroïnes, un rêve éveillé, Les Notes octobre 2017) imagine un long monologue adressé par la narratrice adulte à sa mère post mortem. Alors qu’elle a une relation de complicité avec son compagnon, elle s’insurge contre la dépendance de sa génitrice vis-à-vis de celui qu’elle nomme « ton mari ». Pour elle, l’un est un bourreau hypocrite, égoïste, l’autre une victime consentante. En sondant un épisode insolite survenu avant sa naissance, elle découvre la signification de la phrase que cette dernière répétait l’ultime année « je ne répondrai plus jamais de rien » : le détachement avant la mort est une délivrance. La haine filiale envers un père diminué se dilue alors dans l’indifférence. L’écriture infiniment variée des interrogations et hypothèses répétées permet à ce roman labyrinthique troublant d’échapper au ressassement. (L.G. et A.Le.)