Une chance folle

GODARD Anne

Gravement brĂ»lĂ©e Ă  neuf mois, Magda a subi de nombreuses greffes qui laissent son corps dĂ©formĂ© et boursouflĂ© de cicatrices. Mille fois sa mĂšre lui a racontĂ© l’accident. Aussi, dĂšs l’enfance, s’est-elle sentie responsable de son malheur. La jeunesse venue, elle remĂąche ses souvenirs jusqu’à la nausĂ©e et se sent incapable d’en parler puisqu’à force de dĂ©vouement sa mĂšre s’est appropriĂ©e son histoire.   Une dizaine d’annĂ©es aprĂšs L’inconsolable (NB fĂ©vrier 2006), Anne Godard fait le rĂ©cit d’une lente renaissance. Par la magie du verbe, la narratrice libĂšre une vie empĂȘchĂ©e autant par la maladie que par la personnalitĂ© de sa mĂšre. Car, admirable d’abnĂ©gation, celle-ci consacre toute son Ă©nergie aux soins de sa fille handicapĂ©e, suscitant l’admiration de ses proches qui la considĂšrent comme la principale victime. La proximitĂ© d’un frĂšre aĂźnĂ© puis d’un premier amour partagĂ© permettent un temps Ă  l’hĂ©roĂŻne de s’évader de ses camisoles physiques et morales. Par l’antiphrase du titre, la romanciĂšre aborde la douloureuse question du rescapĂ© confrontĂ© Ă  une situation oĂč les blessures agissent comme rĂ©vĂ©lateurs de la parole. Une Ă©criture aussi dense qu’acĂ©rĂ©e tend comme un arc ce rĂ©cit incandescent qui emporte le lecteur jusqu’à une conclusion plus apaisĂ©e.  (M.R. et M.S.-A.)