Je n’ai pas dansé depuis longtemps

BORIS Hugo

1991. Quittant la Cité des Étoiles, où s’entraînent pendant de longues années les cosmonautes soviétiques, Ivan, médecin, rejoint l’habitacle du Soyouz qui sera lancé en direction de la station Mir. Il vient d’être choisi pour être le premier homme à rester plus de quatre cents jours dans l’espace, soit 6798 orbites. Après des adieux, d’une retenue pathétique, à sa femme et à leurs très jeunes enfants, viennent les étapes rituelles de l’embarquement (y compris la bénédiction du pope de Baïkonour !), puis l’installation à bord. Ainsi commence dans une certaine euphorie la vie quotidienne en apesanteur en compagnie de son premier équipage, un commandant et un ingénieur de bord. Peu à peu pourtant, son organisme se délabre et son psychisme vacille au point de mettre en péril la vie de ses camarades. Pendant ce temps-là, l’URSS entre dans le chaos, il en a l’écho à travers des vidéo-transmissions qui le mettent en contact avec sa famille. Pourtant, de cette traversée des épreuves, faite de solitude et de souffrances, Ivan sort grandi. Il devient de plus en plus sensible à la beauté de sa planète Terre qui lui manque tout autant que sa femme. Il est de plus en plus sensible aussi à la poésie, à la sensualité, à la liberté, lui le jeune soviétique trop raisonnable et formaté.

 

D’une plume à la fois factuelle et inventive, Hugo Boris réussit la gageure de transformer un huis clos cosmique génialement documenté en récit d’aventures haletant. Si l’on dépasse la barrière d’un jargon spatial un peu pointu, l’atmosphère envoûtante, dépaysante et totalement originale, procure des frissons d’excitation, d’angoisse, mais aussi de bonheur. Certaines pages d’une sexualité crue et lyrique peuvent surprendre. Ne sont-elles pas le contrepoint au désir de mort que le stress et la torture de cette vie hors norme induisent ? Difficile d’échapper au pouvoir et au poids de l’empathie que l’on porte aux héros de l’aventure spatiale. Ils restent des hommes de chair envers et contre toutes les technologies les plus déshumanisantes.