J’ai planté un arbre en montagne

SUGIYAMA Kanayo, HATAKEYAMA Shigeatsu

Tout commence avec un enfant. Il plante un arbre en montagne : l’arbre grandit. Un autre suit, et sous les frondaisons nouvelles, s’organise la vie — et la chaîne alimentaire — du « peuple de la forêt ». Les feuilles tombent, se décomposent en humus qui libère dans le sol un vrai trésor : l’acide fulvique ! L’eau de pluie s’infiltre, enrichie de nutriments et, de ruisseau en rivière, de rivière en fleuve et en rizière, elle nourrit, sur son passage, tout ce qui boit. Voici enfin la mer, de l’estran à la pleine eau où pénètre la lumière : les algues et le plancton s’y étioleraient si l’acide fulvique n’avait dissous pour eux les minéraux et autres nutriments dont ils ont faim…  Là, dans la forêt marine, se poursuit alors l’aventure de la vie : repu de plancton, petit poisson nourrit le grand…

Le cycle de l’eau, les enfants connaissent ; l’interdépendance des écosystèmes, sans doute pas, l’acide fulvique, encore moins. Cet album explique sans détours réactions chimiques et complémentarité des milieux naturels en n’ayant peur ni des mots ni des notions, sûr de n’effaroucher aucun enfant curieux ! De double page en double page, il raconte une histoire, inspirée de la réalité, à la gloire de pêcheurs forestiers qui reboisent la forêt, « l’amante de la mer » pour sauver la baie de Kesennuma où ils pêchent. Leçon d’écologie à destination des jeunes générations : les planteurs d’arbres, au début et à la fin du livre, sont des enfants.Très précis, le documentaire fait découvrir dans ses lieux de vie une faune abondante répertoriée dans des vignettes rondes comme l’objectif d’un microscope. De quoi différencier, enfouies dans le sol, la larve de la cigale de celle du scarabée rhinocéros ; mais aussi, dans la rizière, l’artémie du triops ou de la puce d’eau. La nomenclature ajoute au plaisir de la découverte. Mention spéciale pour la représentation de l’acide fulvique uni au fer qu’il véhicule : une armée pacifique de petits personnages tout ronds « descend » les pages au rythme de l’eau, et l’invisible réaction chimique n’a plus rien d’obscur. Rythmé par des rabats – des demi-pages qui démultiplient l’espace de lecture et donnent à la scénographie l’ampleur de l’environnement – le livre séduit aussi par la poésie de ses deux forêts en miroir où commence et finit le voyage : celle de la montagne et celle du fond marin. Le souci de l’information justifie pleinement, avec la préface, les pages de complément en fin d’ouvrage : tant sur l’expérience japonaise que sur les bassins versants français, elles ne sont pas redondantes par rapport au corps du documentaire. (C.B.)