Dérangé que je suis

ZAMIR Ali

L’île d’Anjouan, dans l’archipel des Comores.  Dérangé y vivote en traînant aux abords du port un vieux chariot brinquebalant : il est docker, gagne-petit parmi d’autres, à l’instar du trio des Pipipi : Pirate, Pistolet et Pitié dont l’union sans scrupule fait la force sur un marché très rude. Dérangé n’a pas les dents longues et le jour où, sur le quai, une « dame » jette sur lui son dévolu, il ne comprend pas : pas plus qu’il ne comprend ses avances ni le défi héroïque qu’il doit relever à sa demande dans une course de chariots contre les Pipipi. Comment cela peut-il bien finir ?  Quel roman ! Embarqué dans une aventure échevelée par une femme dont la libido insatisfaite n’aura d’égale que le dépit de se voir éconduite, le malheureux héros sans malice est condamné à une fin barbare : la colère des maîtres se nourrit des mêmes victimes que celle des dieux antiques ! Rien à attendre non plus de ses pairs : moqué, adulé puis abandonné par une foule qui se divertit ainsi de sa propre misère. Monde cruel que la truculence hardie du récit, sa drôlerie qui alterne avec le drame ou l’émotion transforme en plaisir de lecture. La langue de Zamir est un subtil équilibre entre réalisme, familiarité et richesse lexicale. Tantôt farce, tantôt tragédie, ce roman a l’éclat de la littérature. Jubilatoire ! (C.B. et M.D.)