Certaines n’avaient jamais vu la mer

OTSUKA Julie

DĂ©but du XXe siĂšcle. Des Japonaises, parfois encore adolescentes, traversent le Pacifique Ă  la rencontre de leurs futurs maris en Californie. Issus de milieux pauvres, souvent exilĂ©s aussi, ces futurs conjoints ont su mettre en valeur les grands espaces vides de l’Ouest amĂ©ricain. DĂ©sillusion : ils leur ont envoyĂ© une photo ancienne et se rĂ©vĂšlent bien diffĂ©rents des hommes de leurs rĂȘves. Ces couples vivent, ont des enfants qui s’intĂšgrent. En 1941, Pearl Harbor retourne l’opinion amĂ©ricaine sur l’engagement des États-Unis dans le conflit mondial. Devenus suspects, les Japonais californiens sont dĂ©placĂ©s loin de la cĂŽte
 

De formation artistique, Ă©crivain dĂ©jĂ  reconnu (Quand l’empereur Ă©tait un Dieu, NB avril 2004), Julie Otsuka capte des dĂ©tails visuels qu’elle retraduit par les mots, chatoyants comme des vidĂ©os juxtaposĂ©es, sans aucune rĂ©fĂ©rence Ă©motionnelle. Elle rĂ©ussit Ă  retracer une vingtaine d’annĂ©es de la souffrance et des luttes de femmes exilĂ©es prises finalement dans la tourmente de la seconde guerre mondiale. Sans se borner Ă  dĂ©noncer une injustice flagrante, elle rend immĂ©diat et palpable l’effet des contraintes, elle sort de l’oubli des ĂȘtres broyĂ©s, leur adressant un vibrant hommage par ce texte extrĂȘmement poĂ©tique, Ă©tonnant de finesse et d’acuitĂ©.