Bodo

JOUET Jacques

La vie des Bodo, père et fils, nigériens de Zinder, province du Damagaram, est un roman qui brasse allègrement fiction et réalité. Tout commence par la fête satirique du Wassan Kara, une représentation théâtrale qui consiste à faire imiter joyeusement les politiciens et les patrons par un sosie. En réalité, les Bodo, poètes et faussement naïfs, servent de trame à une histoire, bien documentée, des relations souvent épineuses entre la France et son ancienne colonie, de 1943 à aujourd’hui, entre le « chant des Africains » et la décolonisation ; de la tutelle des Occidentaux à celle des Russes et des Chinois.

 

Dans un riche désordre fantaisiste, l’histoire est contée avec une grande délectation à une « lectrice » imaginaire à laquelle l’auteur s’adresse parfois, comme pour s’assurer qu’elle est toujours là. Jacques Jouet nous prévient : il n’écrit pas ce roman en tant qu’oulipiste, mais comme le défenseur d’un continent d’avenir. Comme d’habitude (Mon bel autocar, NB décembre 2003), l’auteur a beaucoup à dire, parfois trop, ce qui risque d’émousser l’intérêt de sa « lectrice ». Elle sera séduite, cependant, par le ton plein d’humour grâce auquel même le décalage entre les personnages et leur mode d’expression devient grâce à lui un clin d’oeil.