Accordez-moi la parole

MOESCHLER Vinciane

Après un succès facile, la jeune Salomé ambitionne un roman plus fort. Elle rend visite en prison régulièrement à Raphaëlle, condamnée à perpétuité pour infanticide. La quadragénaire lui raconte sa vie difficile et le livre prend forme. Le directeur de la prison, humaniste, incite la meurtrière enfermée depuis dix ans à accepter une réinsertion. Après un premier échec, Salomé l’héberge chez elle où elle vit avec un mari aimant et… son petit garçon de trois ans. Mais…

La journaliste Vinciane Moeschler, romancière spécialiste de la jeunesse (Caraïbes amères, les Notes février 2022), signe un livre dérangeant. L’infanticide est un sujet souvent abordé, qui déchaîne la violence dans l’opinion, et rend difficile le pardon et l’oubli. Acte si monstrueux que les deux personnages, dont les caractères sont bien cernés, l’évitent. Dans le premier tiers, le récit déroule l’enfance cabossée de la meurtrière et les troubles de sa vie familiale, marquée par le désespoir et la solitude. Pour justifier ? expliquer ? non, mais pour donner la parole. Cependant, le long cheminement de l’écrivaine, chaotique et redoutable, tant est ténue la frontière entre compassion, compréhension et complaisance… la conduit à entrer dans la peau de l’autre. Le style est très travaillé, l’écriture riche – au risque de perdre en authenticité – mais cette histoire forte qui relève de l’interdit ne peut être appréhendée que par le questionnement introspectif de chaque lecteur.  (L.G. et M.Bo.)