[A] L’Héritage des steppes, de Kate McAlistair

Dans sa première trilogie, Kate McAlistair avait déjà démontré son extraordinaire talent de conteuse. Une fois de plus elle emporte ses lecteurs dans la folle aventure romanesque d’une princesse descendante de Gengis Khan, sacrifiée aux intérêts politiques. Une extraordinaire et passionnante équipée qui nous mène du Pendjab jusqu’en Russie. Un style coloré, des paysages envoûtants, des personnages bien typés. Un régal !

Né à Lahore dans les années 1820 d’une mère indienne et d’un ancien mercenaire irlandais de Napoléon ivrogne et cruel, Morgan tombe éperdument amoureux de Chali, jeune princesse kirghize qui attend aux abords de la ville son mariage, très diplomatique, avec le petit-fils de l’empereur du Pendjab. Cette descendante de Gengis Khan est héritière de la fameuse bannière du Loup Bleu, objet de toutes les convoitises, qui représente un symbole de ralliement légendaire pour l’ensemble les tribus allant de l’Afghanistan à la Mongolie. Morgan, après le mariage de Chali, se fait le protecteur de la toute jeune Maura Fleming. Accusé à tort de la mort de son propre père, Morgan doit fuir, traqué par l’ignoble colonel Flemming, chef de la police. On le retrouve dix ans plus tard en Russie sous une autre identité, Aleksandr Borisovitch Bachkal, fils adoptif d’un Russe, éminence grise au pouvoir mystérieux. Il est engagé dans de dangereuses pérégrinations à la recherche de sa princesse. De très nombreux rebondissements en découlent.

Ce nouveau roman de Kate McAlistair est, à l’image de sa première trilogie (La vallée du Lotus Rose, Les Notes novembre 2018), un grand roman d’aventures, follement romanesque, qui nous mène du Pendjab, région du nord de l’Inde habitée par les Sikhs, jusqu’en Russie dans la région d’Orenbourg sur le versant sud de l’Oural aux confins du Kazakhstan. Non contente de nous narrer une histoire d’amour et de noires intrigues politiques dans un contexte historique très documenté, la romancière, visiblement familière de ces lointaines contrées, nous offre une peinture très vivante et colorée des us et coutumes (la chasse à l’aigle en particulier), de la faune et de la flore des régions traversées. Une extraordinaire équipée. Aucun temps mort dans cette intrigue qui cavale au rythme des purs-sangs arabes montés par les héros et dont les personnages sont bien campés, chacun dans leur registre. Un excellent moment de détente qui peut se lire seul mais dont la suite est annoncée et aussi attendue qu’une série télévisée à suspense.

Extraits

«  Je sais que mes noces ne sont qu’un accord économique et politique. Les miens m’ont vendue contre la promesse de la réouverture de la route de la soie. Ils attendent du Maharadjah la protection militaire des grandes caravanes nomades face aux brigands qui descendent d’Afghanistan et de Chine. (…)
À force de parler, elle avait retrouvé tout son sang-froid, ainsi que cette autorité naturelle qui faisait d’elle une véritable princesse, forte et digne face à n’importe quelle adversité. (…) Il se dit qu’il garderait éternellement en lui cette image d’elle à la fois merveilleuse et désespérée. Il ne pourrait jamais l’oublier. » (pages 151 et 152)

« Mon cher, la tendance actuelle est à l’espionnage. La Sainte Russie surveille l’Angleterre qui surveille la Sainte Russie. C’est un jeu à la mode que de s’épier mutuellement au sein de contrées désertiques. (…) Les britanniques y sont passés maîtres depuis longtemps. À notre tour d’y creuser notre place. Pour cela j’ai parlé au ministre avec franchise : si toutes les hordes nomades s’alliaient soudain contre nous et déferlaient en un seul mouvement vers Samara, Moscou, Saint-Pétersbourg, nous ne parviendrions pas à les contenir (…).
Sauf si nous possédions la bannière du Loup Bleu, glissa Boris Bachkal d’un air entendu. » (page 253)

« Tachkent était une ville qui rappelait en tous point l’Orient, comme ses consœurs et rivales disséminées sur la route de la soie, Boukhara, Samarkande ou Khiva, elle était construite d’argile, les maisons serrées les unes aux autres pour former ces rues étroites et tortueuses typiques de la vie asiatique. Aleksandr aimait l’atmosphère de cette ville duelle, qui lui rappelait son Inde natale. Comme Lahore, Tachkent l’orientale était le carrefour de nombreuses pistes, une oasis merveilleuse où aboutissaient d’innombrables voyageurs. Là, de vastes caravansérails accueillaient des flots de cavaliers dans un joyeux brouhaha, parmi les vapeurs de thé bouillant et les parfums de viande grillée. » (page 338)

L’auteure

La famille de Kate McAlistair a longtemps vécu en Asie (une de ses tantes est d’ailleurs née en Chine). Nourrie par les souvenirs de sa grand-mère et par de nombreuses lectures allant de Kessel à Pearl Buck, elle se prend très tôt de passion pour l’Inde et l’Extrême-Orient.

Dès neuf ans, elle écrit ses premiers romans. À dix-sept ans, elle passe son bac scientifique, obtient une mention et envisage de devenir vétérinaire, avant de finalement abandonner cette idée par crainte d’euthanasier des animaux. Elle s’oriente alors vers des études d’Arts Plastiques et de Cinéma.

Après quelques petits boulots alimentaires, elle commence une vie professionnelle en tant que graphiste en agence de communication. En même temps, elle continue de peindre, mais surtout d’écrire. Lorsqu’une maison d’édition édite son premier manuscrit, elle réalise la place que tient l’écriture dans sa vie et se lance définitivement dans le romanesque. Sa trilogie à succès, la saga du Lotus Rose, est disponible en version poche et audio.

Bibliographie

La saga du Lotus Rose :

La Vallée du Lotus rose, L’Archipel, 2018, Archipoche, 2019.
La Cité du Lotus rose, L’Archipel, 2019, Archipoche, 2020.
L’Héritière du Lotus rose, L’Archipel, 2020, Archipoche, 2021.

M.-N. du Payrat et C. Geoffroy
Janvier 2022

McALISTAIR Kate, L’Héritage des Steppes (Le palais des mille vents ; 1). L’Archipel, 2021.