[A] État de terreur, de Hillary Rodham Clinton et Louise Penny

Un passionnant thriller politique, fruit de la collaboration entre la célèbre femme politique américaine et une romancière canadienne bien connue pour ses nombreux polars.

Trois attentats meurtriers ont frappé à Londres, Francfort et Paris, chaque fois dans un bus, faisant de nombreux morts. Un peu plus tôt une jeune agente du service des affaires de l’Asie du Sud avait reçu un étrange et incompréhensible message. Que visaient ces attentats ? Pourquoi n’ont-ils pas été revendiqués ? Qui est impliqué ? Vont-ils avoir une suite ? Tout juste nommée secrétaire d’État par le nouvel hôte de la Maison-Blanche, Ellen Adams se lance dans une enquête effrénée qui la mène sur tous les fronts, y compris à l’intérieur du gouvernement…

Amies dans la vie, Hillary Clinton et la romancière canadienne Louise Penny se sont associées pour concocter ce passionnant thriller politique – dont les péripéties cavalent à la vitesse de l’éclair entre Washington, l’Europe, l’Iran, l’Afghanistan la Russie et le Pakistan – et dont les acteurs sont nombreux ainsi que les fausses pistes. Aucun temps mort dans le suspense, entretenu par d’habiles ruptures au milieu des scènes les plus passionnantes. Intrépide, futée, sorte de superwoman, alors qu’elle est considérée par ses adversaires comme une cruche naïve et facile à duper, l’héroïne parcourt le monde à la recherche du moindre indice susceptible de la mettre sur la trace des coupables et de déjouer un complot terrifiant ourdi par la monstrueuse association d’hommes sans foi ni loi. Le mal se cache aussi à l’intérieur des murs de la Maison Blanche, conséquence de la désastreuse gouvernance de l’ancien président – présenté comme un clone de Trump – belle occasion pour H. Clinton de décocher, avec un malin plaisir, quelques flèches à son ancien adversaire ! Pour elle c’est aussi son premier thriller après des livres plus personnels. Et pour un coup d’essai, c’est plutôt réussi même si on se doute que la collaboration d’une pro du genre y est pour beaucoup ! Pourtant cette écriture à quatre mains ne permet pas de discerner qui a écrit quoi : pas de rupture de style. Mais, bien évidemment, on peut soupçonner la patte de la politicienne dans le portrait de la secrétaire d’État – à la fois femme, amie, stratège, face à des hommes qui ne la jugent pas à sa juste valeur – et surtout dans celui, savoureux, de l’ex-président. Tout cela ressemble fort à du vécu ! (D.D., M.-N.P. et C.G.)

Extraits

« Campé au centre de la pièce, Maxim Ivanov resta immobile, obligeant Ellen à s’avancer vers lui. Ces petits gestes mesquins, conçus comme des insultes, la laissaient complètement indifférente. Autrefois, elle aurait peut-être senti la moutarde lui monter au nez, mais plus maintenant. (…)
Ivanov était beaucoup plus petit qu’Ellen s’y attendait. Mais sa présence était imposante. On avait la sensation d’être à proximité d’une charge explosive dont le détonateur était retenu par une bande élastique tendue à se rompre. (…)
Un tyran impitoyable, rompu à l’art de l’oppression à la fois subtile et cruelle. Eric Dunn reconnaissait d’instinct les failles des autres, mais ce n’était pas par calcul. Il était beaucoup trop paresseux pour s’imposer de tels pensums. Mais cet homme ? Il calculait tout, avec une froideur qui ferait grelotter la Sibérie.
Mais Ivanov n’avait pas vu venir Ellen Adams, n’avait pas escompté son apparition. La secrétaire d’État américaine l’avait pris au dépourvu en montant à bord d’Air Force 3 pour débarquer à Moscou. Au Kremlin, dans son antre.
Pour sa part, Ellen s’aperçut que le regard glacé de l’homme masquait une rare confusion. Et, en même temps, la peur. La colère aussi.
Il n’aimait pas ce qu’il voyait. Il n’aimait pas Ellen. Ne l’avait jamais aimée. Et, en ce moment, moins que jamais.
Elle comprit aussi que, face à elle, l’homme reprenait confiance. Et elle savait pourquoi.
Elle était dans un état déplorable. Ses cheveux en bataille bouffaient d’un côté et étaient aplatis de l’autre. Elle s’était arrangée dans l’avion, mais le blizzard avait anéanti tous ses efforts.
Ses vêtements étaient mouillés, souillés. À chacun de ses pas, ses chaussures produisaient un bruit de succion.
On n’avait pas affaire à la redoutable représentante d’une superpuissance. Cette secrétaire d’État américaine faisait plutôt penser à un rat naufragé. Pitoyable. Faible. Comme le pays qu’elle représentait. C’est du moins ce que croyait Ivanov. Ce qu’elle voulait qu’il croie.
— Café ? proposa-t-il par la voix de l’interprète.
Pozhaluysta, répondit Ellen.
Volontiers.
Elle aurait pu demander à se rafraichir avant sa rencontre avec le président Ivanov, mais elle avait choisi de ne pas le faire. Les hommes comme lui et Eric Dunn sous évaluaient et dépréciaient toujours les femmes ébouriffées.
Pour elle c’était un tout petit avantage. Et elle devait se garder de commettre  la même erreur en sous-estimant Ivanov. On le faisait toujours à ses dépens. » P. 444-446

Hillary Clinton en auteure de thriller, qui l’eût cru ?

C’est vrai qu’on imagine mal l’ancienne candidate à la Maison Blanche se livrer à d’autres formes d’écriture que ses livres précédents, des essais pour la plupart. Et pourtant voici que vient de sortir chez Actes Sud ce passionnant thriller politique dans lequel on reconnaît d’ailleurs l’expérience de la femme ayant bien connu les arcanes du pouvoir. Il est vrai qu’elle s’est adjoint l’aide d’une vieille routière de romans policiers, la Canadienne Louise Penny, auteure de romans policiers dont le succès n’est plus à démontrer.

Les deux femmes étaient devenues amies de façon inattendue. Une lettre de condoléances d’Hillary, alors secrétaire d’État en pleine campagne électorale, à Louise Penny pour la mort de son mari, un homme remarquable, chercheur en oncologie pédiatrique, avait beaucoup ému Louise Penny. Hillary ne la connaissait pas et son geste était complètement désintéressé puisque, canadienne, Louise n’était pas une électrice potentielle. Puis elles s’étaient rencontrées par l’intermédiaire de la meilleure amie d’Hillary, une certaine Betsy Johnson Ebeling, morte depuis d’un cancer, qui, dans le livre, donne son prénom à l’un des personnages. Lorsque l’agent de Louise Penny leur a demandé d’écrire un thriller ensemble, elles se sont montrées tout d’abord un peu réticentes.

Ce que dit Louise Penny de cette collaboration

« Hillary avait peur que ça affecte notre amitié. Pour ma part, je n’étais pas certaine d’être capable d’écrire un thriller, encore moins à deux. Mais c’était tout au début de la pandémie et il n’y avait pas beaucoup de choses à faire. On a décidé de faire un essai. »

« En dépit des similitudes entre les deux genres, je n’avais jusque là écrit que des policiers. Un thriller politique était si éloigné de ma zone de confort qu’il aurait tout aussi bien pu appartenir à une autre planète. »

« J’ai d’abord demandé à Hillary ce qu’était son pire cauchemar lorsqu’elle était en poste, ce qui la tenait éveillée la nuit. Elle m’est revenue avec trois scénarios, qui sont dès lors devenus mes cauchemars aussi, raconte Louise Penny en riant. Il m’apparaissait évident que l’option nucléaire avait un grand potentiel narratif. »

« C’était important de ne pas reculer devant la réalité politique, les menaces à la démocratie et les torsions qu’on fait subir au mot “patriotisme” à notre époque. Avant l’assaut du Capitole, personne n’aurait cru à ce personnage, poussé à son paroxysme. Maintenant, la réalité dépasse la fiction. »

« Elle a vécu ce que toutes les femmes expérimentent à un moment ou à un autre, puissance mille : l’invisibilité. C’était très intéressant de comprendre comment une femme navigue dans ce milieu d’hommes, parvient à prendre la place qui lui revient tout en sachant quand faire un pas de recul, quand jouer le jeu pour mieux gagner la partie. »

Et ce qu’en dit Hillary Clinton

« J’admire Louise en tant qu’écrivaine et je l’adore en tant qu’amie, mais la tâche me paraissait insurmontable. Je n’avais écrit que des essais. À la réflexion cependant, je me suis dit que ma vie tenait presque de la fiction et que cela valait la peine d’essayer. Louise et moi avons discuté et produit une sorte de long plan détaillé. Nous nous sommes donc lancées dans une collaboration à distance. Quelle joie que de créer des personnages, d’enrichir l’intrigue et d’échanger des versions ! »

« Enfin, il s’agit d’une œuvre de fiction , mais l’histoire qu’elle raconte n’en est pas moins dans l’air du temps. À nous de faire quelle reste dans le domaine de la fiction »

Un avis de la presse

« Ce qui fait par-dessus tout la force de ce roman, c’est le vécu qui transpire à travers le personnage d’Ellen Adams, et que l’on doit à Hillary Clinton : l’attention que les femmes en politique doivent porter à leur allure, leur maquillage, leurs vêtements ; cette impression de force et de maîtrise qu’elles doivent projeter en tout temps pour inspirer le respect. On a également aimé ce souci des détails qui donne au récit toute sa crédibilité : les mesures de sécurité à respecter et qui alourdissent le quotidien des politiciens, le système hiérarchique qui cause lui aussi ses propres entraves, les concertations en haut lieu qui sont comme de petites fenêtres sur un monde ultraprotégé… En plus, les auteures ne censurent rien – car les politiciens peuvent eux aussi être des mauvaises langues. Les deux auteures nous plongent au cœur du pouvoir américain, au sein des mesquineries politiques et de ce monde à part qu’est Washington, où « les apparences sont souvent beaucoup plus puissantes que la réalité ». Et pour les fans de Louise Penny, il y a aussi, dans State of Terror, un clin d’œil à Three Pines, au Québec et à Armand Gamache. Personne n’aura été oublié. » Le Devoir

Courte biographie de Louise Penny

Louise Penny, née le 1er juillet 1958 à Toronto, est une femme de lettres canadienne ayant écrit de très nombreux romans policiers et ayant remporté d’innombrables prix. Elle est surtout connue pour la série des enquêtes de l’inspecteur Armand Gamache de la Sûreté du Québec. Les livres de cette série lui ont valu quatre fois de suite (2007-2010) le prix Agatha pour le roman policier qui se conforme au genre du whodunit dans le style d’Agatha Christie.

La série est éditée en France par Actes Sud, dans la collection Actes Noirs, sous le titre Une enquête de l’inspecteur-chef Armand Gamache. Cliquer sur les titres ci-dessous pour voir les critiques publiées par Les Notes.

Avril 2022

Hillary Rodham Clinton et Louise Penny, État de terreur. Collection Actes Noirs, Actes Sud, 2022.