Le bon Denis

NDIAYE Marie

Entre autobiographie et fiction, Marie Ndiaye raconte la quĂȘte chimĂ©rique d’un pĂšre, en quatre tableaux diffĂ©rents tels un kalĂ©idoscope, dans la collection « Traits et portraits » de Colette Fellous. Une femme mĂ»re interroge sa mĂšre dont le cerveau s’embrume. Alors que la version habituelle voulait que le pĂšre, immigrĂ© venu de Dakar dans les annĂ©es soixante, ait abandonnĂ© sa famille, sa gĂ©nitrice affirme que c’est elle qui a rejetĂ© son mari pour le mystĂ©rieux « bon Denis ». Celui-ci aurait chĂ©ri la fillette en bas Ăąge. Puis l’auteure imagine les enfances parallĂšles qui ont forgĂ© le caractĂšre de ses parents, leur seul point commun Ă©tant la volontĂ© de faire des Ă©tudes. Elle rĂ©flĂ©chit sur les raisons de la fuite de son pĂšre, victime d’un racisme voilĂ© dans sa belle-famille française. Le souvenir de son voyage Ă  l’ñge de dix-neuf ans aux États-Unis, oĂč le pĂšre a rĂ©ussi, met un terme Ă  sa recherche. L’Ɠuvre reconnue de l’auteure est traversĂ©e par sa double origine, sa sensibilitĂ© aux prĂ©jugĂ©s, et une expression originale. Comme dans La vengeance m’appartient (Les Notes dĂ©cembre 2021), elle manie subtilement l’ambiguĂŻtĂ©. Nos souvenirs sont souvent biaisĂ©s par les rĂ©cits des proches et par nos dĂ©sirs. Si le passĂ© reste insaisissable, le sonder apporte un Ă©clairage sur la complexitĂ© de l’ñme humaine. Troublant et magistral. (L.G. et A.-M.G.)