Encre sympathique

MODIANO Patrick

Jeune recrue de l’agence de dĂ©tectives Hutte, Jean, un peu amnĂ©sique, travaille sur la disparition de NoĂ«lle Lefebvre. Quelques indices minces : naissance prĂšs d’Annecy, adresse dans le XVe arrondissement de Paris, travail quelque temps chez Lancel et Le dancing de la Marine qu’elle frĂ©quentait. Des noms propres aussi. L’enquĂȘte s’enlise. Trente ans plus tard, Ă  Rome, dans une galerie de photos, une femme observe un homme qui en pousse la porte…  Patrick Modiano (Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, NB dĂ©cembre 2014), nobĂ©lisĂ© pour son « art de la mĂ©moire… », signe son vingt-neuviĂšme roman. DĂšs l’avant-propos, il cite Maurice Blanchot « Qui veut se souvenir doit se confier Ă  l’oubli, Ă  ce risque qu’est l’oubli absolu et Ă  ce beau hasard que devient le souvenir… » L’auteur est, cette fois encore, habitĂ© par ses thĂšmes favoris, le passĂ©, l’identitĂ©, l’archĂ©ologie de la mĂ©moire… Son hĂ©ros transcrit sa recherche dans un journal et, curieusement, des chaĂźnons de sa propre vie lui semblent rĂ©vĂ©lĂ©s entre les lignes comme par une Encre sympathique sous-jacente. D’une plume neutre, Patrick Modiano rappelle la fragilitĂ© des tĂ©moignages, les failles mĂ©morielles, le flou des temporalitĂ©s du souvenir. InĂ©luctables, ces « blancs » lui donnent toute latitude d’injecter dans le banal des vies la belle dimension du mystĂšre. (C.R.P. et A.M.)