Vers la nuit

Meudon, 30 juin 1961. Le jour tombe, la mort s’installe au chevet de Céline. La canicule, les souffrances l’accompagnent vers la nuit ; Lucette apporte des compresses fraîches, reporte les dernières corrections sur le manuscrit de Rigodon que guigne le gros Gaston (Gallimard) ; chiens, chats, tortues, hérissons, perroquet circulent. Le mourant revoit tout : la guerre atroce et les blessures à vie, les rivaux littéraires, l’autre guerre et l’Occupation, l’exil, la prison, les amis, les ennemis, les échotiers avides. En même temps, une vie d’écriture comme passion et comme fin.  Le soliloque semble couler de la bouche de « Ferdine », avec les trouvailles, la hargne, la musique qu’on lui connaît. Mais est-ce du Céline, repris en fragments amalgamés sur une autre trame ? Est-ce du Bunisset, si bien imprégnée des textes du maître que le flot célinien coule de sa plume ? Que devient le génie ainsi imité? L’incertitude gêne… on l’oublie. On regarde, on entend le « croûtard tout racorni », pitoyable et sublime, agonisant heure par heure, l’écrivain conscient de sa grandeur s’érigeant, dans sa complexité. Retors, geignard, odieux. Soldat héroïque, médecin des pauvres, ami des animaux. Et surtout, prosateur révolutionnaire dont ce livre virtuose invite à visiter les oeuvres… authentiques. (M.W. et B.T.)