Rêve d’une pomme acide

ARNAL Justine

Moment de vie en famille, quelque part entre Alsace et Lorraine : Elisabeth Witz fait la vaisselle pendant qu’Eric Richard, son mari, regarde un match de foot au salon ; leurs trois filles, l’étudiante, la lycéenne, l’écolière, chacune dans sa chambre, attendent… Banalité d’un soir d’été où Elisabeth regarde la nuit tomber car « c’est une chance ; tous les éviers n’ont pas de vue », pendant qu’Eric hurle son soutien à ceux qui se font « des couilles en or » sur le terrain. Une famille où « rien de nouveau n’arrivera dans ce qui aura encore lieu ».

 Tout est dit, dans cet incipit, par un narrateur omniscient, de ce qui se joue dans les non-dits de chacun et le silence épuisé d’Elisabeth. Une autre voix prend le relais, tout en ressentis, celle de l’aînée des enfants qui se souvient, qui sait. La famille ? deux branches, paternelle et maternelle, piliers de l’institution. Aux femmes, les larmes et les calmants ; aux hommes, l’argent, parce que TOUT s’achète dans le ressassement du quotidien. Dans l’indifférence d’une mort silencieusement annoncée, perturbatrice de l’ordre institué, le suicide d’Elisabeth ajoute à ce tableau caustique l’indicible, l’inépuisable chagrin pour lequel la romancière trouve une langue éblouissante de poésie et de lyrisme retenu autour d’une interrogation déchirante : que reste-t-il en nous de nos Elisabeth ?  Le goût d’une pomme acide ?  (C.B et J.G)    

Parution le 22 août 2025