Élizabeth Dubreuil naît en 1820 à la Nouvelle Orléans. Venue d’Haïti, sa grand-mère, esclave affranchie, tient un atelier de couture que les femmes de la Ville Haute aiment à fréquenter. Las, à dix-huit ans, Élizabeth doit fuir la ville et la concupiscence d’un ami de son père. Une génération plus tard, Régina, petite mulâtresse donnée comme domestique à une femme haîneuse, prend, elle aussi son destin en main et s’enfuit pour rencontrer, quelques années plus tard, dans le chaos d’un coup d’état, l’homme qui la reliera à Élizabeth.
Auteure haïtienne, Yanick Lahens (L’Oiseau Parker dans la nuit, Les Notes mars 2019) reprend le thème de l’apprentissage, dressant le tableau de deux enfances et le parcours de deux femmes qui se racontent à travers les grandes figures féminines qui ont marqué leurs vies. Elles portent en elles la douleur et la colère, le besoin de forcer le destin, la communion avec le monde invisible. Ce livre, irrigué par la bienveillance d’une grand-mère, parle de l’arrachement à la terre, de l’appétence des maîtres pour la chair noire, de la vengeance sauvage des épouses, de l’arrogance des pionniers et de la résistance des esclaves lorsqu’ils « offrent leur dos au fouet » sans un souffle. Un texte généreux aux inflexions colorées, où l’écriture musicale adopte des tournures imagées qui offrent une poésie joyeuse venue d’un autre monde, laissant un goût de douceur et de larmes. (Maje et A.Be.)
