Mes pas vont ailleurs

Dans une biographie en forme d’adresse, Jean-Luc Coatalem (Fortune de mer, NB juin 2015) reconstitue le parcours flamboyant de Victor Segalen, voyageur impénitent et explorateur infatigable, dont l’oeuvre oubliée laisse peu deviner la personnalité. Né à la fin du XIXe siècle, le Brestois devient médecin militaire, est affecté en Polynésie quelques mois après le décès de Gauguin, puis revient par Djibouti sur les pas de Rimbaud. Ses talents et son insatiable curiosité l’entraînent dans trois longues missions chinoises où il sera tant sinologue et hydrologue qu’archéologue et romancier. Aussi fin connaisseur qu’admirateur, l’auteur, lui-même grand voyageur, raconte avec infiniment de poésie une vie incandescente, consacrée à la recherche mystique d’un ailleurs peuplé de licornes. Las, si ce fou d’art et d’Histoire s’épuise dans une inatteignable quête de pays intérieurs, le romancier n’élude pas les aspects obscurs d’un être qui instrumentalise sa famille et reste indifférent au sort des Annamites qu’il expédie aux combats. Cet hommage, habilement déconstruit, fascine autant par l’ardeur que l’écrivain voue à son sujet que par le sujet lui-même. (M.R. et A.M.)