L’ourse des neiges

Sur la banquise, sont nés deux oursons qui se blottissent contre leur mère l’ourse dans le froid de l’hiver boréal. Corbeau en enlève un et l’emporte au loin. De retour de la chasse, l’homme prend l’étrange paquet de fourrure sur son traîneau : il se révèle être un bébé. D’année en année, lui et sa compagne élèvent l’enfant qui leur est venu du ciel. Lorsqu’il a sept ans, l’enfant trouve un magnifique morceau d’ambre qui brille sur l’immensité immaculée. De caillou en caillou déposés par le corbeau, il s’éloigne, se perd et tombe d’épuisement. Soudain cerné par des ours et craignant d’être dévoré, il entend en lui un appel, celui de son frère ours qui l’a reconnu… C’est ainsi que se révèle sa double nature d’homme et d’animal.

Dans cette histoire qui prend place à l’origine des temps quand chacun, être ou chose, possédait une âme, le début du texte aide à comprendre en quoi le corbeau s’est fait instrument du destin. En enlevant l’animal à son univers, en le métamorphosant en homme, il le place à la charnière des deux mondes qui, en lui, connaîtront l’unité et l’harmonie.

Passionnée par la sauvegarde du monde animal dans toute sa diversité, l’auteure s’appuie sur une thématique qui rejoint de nombreuses versions de contes d’origine inuit : celle de la métamorphose entre humain et animal, souvent traitée sous l’angle de l’enfant qui devient ours, plus rarement sous celui de la dualité évoquée ici. Sa foi dans la pureté de la nature l’a conduite à imaginer d’autres histoires où le chamanisme est le lien spirituel en lequel fusionnent les deux règnes.

Parfaitement mises en valeur par le grand format de l’album, ses aquarelles sont d’une étonnante intensité et d’une puissance maîtrisée : le blanc éblouissant de la banquise se fond avec la fourrure crème des ours peinte dans une densité rare. Sur cette blancheur qui matérialise l’harmonie de cet univers, ressort le noir profond de l’immense corbeau instrument du destin, le jaune des pierres d’ambre qui jalonnent un mystérieux chemin d’avenir pour cet enfant/ours.

Au service d’un message qui prend une dimension particulière à la veille de l’année de la biodiversité, l’art de la conteuse s’allie au talent et à la tendresse de l’illustratrice pour en faire aussi une belle histoire d’amour maternel, chez les hommes comme chez les animaux.