Les Indes fourbes

AYROLES Alain, GUARNIDO Juanjo

TorturĂ© par un Alguazil trĂšs mĂ©fiant et sur ses gardes, Pablo dĂ©cide de tout dire. Il raconte sa vie depuis son enfance pauvre et douloureuse dont il retient surtout le deuxiĂšme commandement de son pĂšre : tu ne travailleras point. Depuis toujours il cherche Ă  s’élever, et comme la morale lui est Ă  peu prĂšs inconnue c’est de situations scabreuses en Ă©checs malhonnĂȘtes qu’il poursuit sa vie et tente de rouler son prochain. Et l’homme est ambitieux, son Espagne natale ne lui suffit plus ; il est vrai cependant que prendre l’air et le large est probablement salutaire compte tenu de sa situation. Alors, le nouveau monde et son Eldorado lui offriront certainement de nouvelles perspectives. Pablo est imaginatif, il lui faut une grande opĂ©ration, tellement impensable et impossible Ă  mener, que personne ne soupçonnera qu’un gueux comme lui puisse y avoir pensĂ©.  Jubilatoire et truculent, l’adaptation de ce roman picaresque est une rĂ©ussite totale tant au niveau des illustrations que du scĂ©nario. Le dessin est chatoyant, soignĂ©, vivant ; il alterne entre les aquarelles animant des paysages Ă©poustouflants et le burlesque de notre hĂ©ro ; avec la mĂȘme touche de pinceau dans une continuitĂ© Ă©tonnante. Tout dans le dessin est rĂ©ussi, les visages et leurs expressions, le paysages, les dĂ©cors, soignĂ©s et respectueux de l’époque ; une alternance de plans larges et de gros plans, permet de mesurer la virtuositĂ© de Guarnido. Le scĂ©nario est remarquable de drĂŽlerie et de vie avec un suspens qui nous emmĂšne jusqu’à la derniĂšre page. Prologue incomprĂ©hensible et Ă©pilogue sous forme de deus ex machina viennent dĂ©buter et conclure une bande dessinĂ©e qui fera date. L’humour et la surprise sont les caractĂ©ristiques principales d’un scĂ©nario qui Ă©tonne et surprend au fil des chapitres. Il faut ajouter Ă  cela un respect de l’esprit du roman picaresque avec le maintien des chapitres et de leur prĂ©sentation. Rassembler les auteurs de De cape et de crocs et de Blacksad sous la mĂȘme affiche Ă©tait, il est vrai, en soi une idĂ©e de gĂ©nie ; ils sont Ă  la hauteur du rendez-vous. La touche finale revient Ă  l’édition, soignĂ©e, grand format, il fallait, elle aussi, qu’elle soit Ă  la hauteur de la rĂ©alisation. (E.B. et Y.H.)