Les faux visages

TANQUERELLE, DAVID B.

1975, Paris. Des cagoulĂ©s se sortent d’un casse meurtrier par une fuite avec prise d’otages. Plusieurs morts sur le tapis. 1980, Momo est tuĂ© lors d’un banal contrĂŽle d’identitĂ© et la bande veut le venger. Il y a Adjad, celui qui rĂ©flĂ©chit, Kuszner, le brutal, MĂ©lingue, le mystique, Lesage, l’ancien du milieu, Gaouti le monte en l’air, puis encore,  Levert, Tchou, et Rouve, le gitan. C’est lui qui  va trouver une mĂ©thode en s’inspirant d’un livre de Marcel Schwob : des postiches sur la tĂȘte pour se dĂ©guiser en clients ordinaires, aucun lien avec le milieu, pas de violences. Un premier casse en novembre  1980 sert d’archĂ©type. D’autres suivent. Ouvrir les coffres louĂ©s Ă  des bourges c’est facile
 et ça marche, mĂȘme si cela peut monter Ă  la tĂȘte ! – Mais les flics, sont tenaces
 mĂȘme si  quelques-uns sont ripoux.

C’est Ă  la fois une histoire de gangsters vite affolĂ©s et meurtriers, mais aussi d’une bande de quartier, soudĂ©e et prĂȘte Ă  tout. Le cocktail formĂ© par la duretĂ© du milieu, les complexitĂ©s de chaque gars et le comique des postiches prend bien. Les policiers paumĂ©s ou ripoux ne sont pas plus beaux, mais bien plus rĂ©alistes. Le trait prĂ©cis d’un dessin en noir et blanc, rarement nuancĂ© de gris, mais relevĂ© d’un bleu un peu nocturne met en valeur l’action et les personnages. Le contraste entre leurs expressions bien affirmĂ©es et les visages figĂ©s des masques donne une impression d’étrangetĂ©. Celle-ci contribue Ă  l’intĂ©rĂȘt des images sagement organisĂ©es, comme le rĂ©cit lui-mĂȘme de ce polar sorti tout droit de la sĂ©rie noire Ă  la française. Peu nombreux, les dĂ©cors laissent la place premiĂšre Ă  l’action, tout en relatant l’évolution d’un quartier dont les repĂšres mythiques se sont fondus dans une trame urbaine anonyme. On prend plaisir Ă  lire et relire cette « vie imaginaire », mĂ©lange de documentaire et de portraits d’individus paumĂ©s et attachants.