L’apiculture selon Samuel Beckett

Paris, 1985. Engagé par Samuel Beckett pour classer ses archives, un étudiant qui termine sa thèse d’anthropologie découvre un homme aux antipodes de ses portraits canoniques : cheveux longs et vêtements ethniques ahurissants. L’écrivain, pressé par des universités insatiables, veut leur envoyer de fausses archives très fantaisistes. Parallèlement il mitonne pour son assistant du chocolat maison, l’emmène sur le toit récolter le miel de ses ruches et le fait fumer à sa place ! Or En attendant Godot doit être joué par des détenus dans une prison suédoise. Beckett en tire de vraies leçons de sagesse. Dans ce projet théâtral réside apparemment le seul élément réel, le reste n’étant qu’invention et fantaisie « politique ». Martin Page (La mauvaise habitude d’être soi, NB mars 2011) conçoit un stratagème très vraisemblable, dans une topologie parisienne précise, mais qui ne trompe pas un instant le lecteur complice. Tout en imaginant des moments inattendus et délicieux, savoureux comme le miel, il montre un Beckett radicalement opposé au fétichisme des universitaires bornés, et ravi comme un gamin de leur jouer un bon tour. En moins de cent pages l’écriture claire et vive est à la hauteur du sujet et du projet : une réussite.