L’âme de Kôtarô contemplait la mer

MEDORUMA SHUN

Okinawa, île méridionale du Japon, administrée par les États-Unis de 1945 à 1972, a toujours eu sa particularité dans la culture nippone. Un bernard-l’hermite inexpugnable a squatté la bouche d’un quinquagénaire dont l’âme, qui s’est échappée, est retrouvée sur une plage par une vieille voyante. Un gamin, chapardeur de pommes, se lie d’amitié avec sa victime, un vieillard solitaire qui a vécu au Brésil et qui l’enchante de ses souvenirs probablement enjolivés. Une fillette, élevée par sa grand-mère prêtresse, se découvre elle aussi le don de voir les âmes des disparus… Ces six nouvelles, longs récits fantasmagoriques illustrant généralement les rapports familiers des Okinawais avec leurs défunts, peuvent être déroutantes pour les cartésiens que nous sommes. Mais leur religion traditionnelle apporte une consolation à l’injure des temps, à la méchanceté humaine. Des scènes parfois atroces sont comme apaisées par des contacts surnaturels. Se dégagent de ces histoires l’intrigante beauté et l’évocation poétique d’une nature qui, bien que polluée et bétonnée, offre encore de beaux paysages hantés discrètement par les esprits errants.