Comme un enfant perdu

SÉCHAN Renaud

À soixante-quatre ans, aprĂšs des annĂ©es de silence marquĂ©es par la dĂ©pression, l’alcool et la paranoĂŻa, un vingt-troisiĂšme album permet Ă  Renaud de renouer avec le succĂšs. Il publie alors une autobiographie co-Ă©crite avec Lionel Duroy et constellĂ©e des paroles de soixante et un de ses titres. Un regard sincĂšre sur lui-mĂȘme, pas de posture argotique dans le vocabulaire, une rĂ©trospective sans inimitiĂ© ni complaisance. L’enfant heureux, le gavroche des dĂ©buts, le loubard, les annĂ©es bonheur de la dĂ©cennie quatre-vingt/quatre-vingt-dix, la descente vers l’addiction, la rĂ©demption par l’amour, la rechute, la rĂ©cente renaissance revivent sous une plume virtuose. Et le lecteur, derriĂšre ces lignes sans fard, comprend mieux le contestataire, justicier vindicatif, l’écorchĂ© sentimental fragile et «l’énervant », Ă©cartelĂ© par la dichotomie d’une ascendance prolĂ©taire d’un cĂŽtĂ©, bourgeoise intellectuelle de l’autre, toutes deux stigmatisĂ©es par la tache de la collaboration. Et plus encore que la culpabilitĂ© d’une rĂ©ussite peu assumĂ©e, il saisit la maladive nostalgie d’une si blonde enfance. (C.R.P.)