Changeons !

Sur l’immensité sereine de la mer, un bateau, ou plutôt une maison flottante ; au-dessous se croisent des bancs de poissons ; au-dessus, le ciel est clair, sans nuage. Cette scène initiale change subtilement page après page : l’échelle de coupée s’enfonce dans l’eau, la nef n’a plus sa voile, se coiffe de cheminées qui crachent une fumée noire, un autre paquebot approche, s’arrime au premier, l’eau est polluée, les poissons fuient. Jusqu’où peut aller ce bâtiment gigantesque qui désormais cache le ciel derrière un enchevêtrement de poutrelles ?  Sans paroles, les images sont éloquentes pour raconter la catastrophe écologique de l’urbanisation massive qui fait disparaître du monde toute vie au point de saturer la double page de formes d’habitations stylisées, superposées comme un jeu de construction compliqué. Mais la nature reprend ses droits : la palette s’éclaire, reverdit quand apparaissent feuilles et oiseaux. La folie bâtisseuse est contenue dans un symbolique aquarium, libérant à nouveau un espace respirable où les hommes, absents de l’album, pourront peut-être revenir. Aussi symbolique que graphique, cet album mérite une lecture attentive. (C.B.)