Ar-Men

LEPAGE Emmanuel

La chaussĂ©e de Sein au large de la pointe du Raz Ă  l’extrĂ©mitĂ© de la Bretagne a vraiment une trĂšs mauvaise rĂ©putation. Depuis des siĂšcles, des centaines navires ont fait naufrage sur ses rĂ©cifs. Les tempĂȘtes y sont terrifiantes et les courants puissants. Sur une de ces roches qui ne se dĂ©couvrent qu’aux grandes marĂ©es, les ingĂ©nieurs des Phares et Balises ont dĂ©cidĂ© d’y construire un phare : Ar-Men. Ainsi dĂ©buta une fantastique aventure humaine. La construction de cette tour de 37 mĂštres prit 14 ans dans des conditions toujours pĂ©rilleuses. Une fois mise en service en 1881, la vie des deux gardiens qui veillaient sur la prĂ©cieuse lumiĂšre visible Ă  23 miles ne fut jamais une partie de plaisir, d’oĂč le surnom : « l’Enfer des Enfers ». Les jours de tempĂȘte ou de calme plat, la mer d’Iroise, sous des ciels féériques, charrie sans relĂąche ses masses liquides. Plus que la solitude et la monotonie, la vie de ces navigateurs immobiles est riche de sensations, de souvenirs, de lĂ©gendes.  Ar-Men est trĂšs connu pour son caractĂšre extrĂȘme. Les meilleurs auteurs s’y sont confrontĂ©s. Le projet d’Emmanuel Lepage Ă©tait risquĂ© mais la rĂ©ussite de cette BD est largement au-delĂ  des espĂ©rances. Que ce soit le caractĂšre musclĂ© et intimiste du rĂ©cit, la prĂ©cision et la qualitĂ© des tĂ©moignages, la lĂ©gende de la ville d’Ys ou de l’Ankou, le courage et l’opiniĂątretĂ© des bĂątisseurs, le courage des premiers compagnons de la France Libre, tout y est. Quant aux dessins, Ă  la mise en pages et aux couleurs 
tout est juste ! Le lecteur en sortira « trempĂ©, rincĂ©, transi », mais surtout impressionnĂ© par la terrible magie des lieux. Il rĂȘvera longtemps de cet ouvrage complĂ©tĂ© par un DVD : « Les gardiens de nos cĂŽtes », film documentaire, vĂ©ritable bonus de l’album. Ceux qui connaissent mal Emmanuel Lepage devront se prĂ©cipiter chez leur libraire et n’auront que l’embarras du choix. Ses albums les plus rĂ©cents : Voyage aux Ăźles de la dĂ©solation, La lune est blanche, Les voyages d’Ulysse habiteront avec bonheur leur imaginaire. (D.L. et C.D.)