L’Infiniment Moyen et plus si infinités dans les limites finies d’une édition minimaliste

Marc-Antoine Mathieu

Avec ce livre-objet déroutant, Marc-Antoine Mathieu poursuit son exploration des limites de la bande dessinée. Cette fois, il s’attaque à l’infini… en passant par l’infiniment petit. Dans un format minuscule (moins de 2 cm² par planche), livré avec une loupe, il orchestre un dialogue entre deux chercheurs. Tous deux tentent de cerner ce qui échappe à toute mesure : l’infini, dans les mots, dans l’espace, dans l’esprit.

L’ouvrage n’a ni récit au sens classique, ni intrigue : il repose sur un échange dense, à mi-chemin entre réflexion abstraite et exercice de style comique. Le ton, volontairement abscons par moments, multiplie les calembours, paradoxes logiques et digressions. Le duo de protagoniste, deux érudits bigleux en blouse blanche, incarne la pensée qui tourne sur elle-même, avec un humour très proche du théâtre de l’absurde.

Graphiquement, les dessins sont minutieux, intégralement en noir et blanc, composés pour tenir dans un espace quasi microscopique, exigeant du lecteur une attention soutenue. Le résultat est aussi amusant que frustrant : chaque page demande d’être scrutée, déchiffrée, presque décryptée. L’objet s’apparente plus à une installation conceptuelle qu’à une lecture séquentielle traditionnelle.

Cette bande dessinée n’en est pas tout à fait une : c’est une expérience. Le format, la loupe, la densité des dialogues… tout pousse à repenser la lecture comme une forme de contemplation. Mais cette radicalité nuit aussi au plaisir. On sort de l’ouvrage davantage impressionné qu’emporté. L’ambition philosophique affichée cède souvent la place à un jeu de langage inspiré de Raymond Devos. Plus qu’un essai sur l’infini, c’est une variation humoristique sur nos limites de compréhension. Surprenant sur la forme, mais exigeant, hermétique, et parfois un peu aride.

(BB)