L’orphelin de Cocoyer Grands-bois (Encyclomerveille ; 1)

Ses parents ayant été atrocement massacrés dans leur maison lors d’une nuit pluvieuse par un monstre dément, un jeune enfant est recueilli par Nicéphore, le fossoyeur du petit cimetière de Cocoyer Grands-Bois. L’homme élève l’orphelin dont il entend faire son successeur. Pour creuser la terre mais aussi pour veiller la nuit sur le sommeil des morts. Car il s’en passe des choses, dans l’obscurité, autour des tombes créoles. Le fossoyeur initie donc son assistant devenu adolescent aux phénomènes qui se produisent dans l’au-delà, ce qu’aux Antilles on appelle les Merveilles. Le voici paré, comme Nicéphore, son mentor, à devenir chasseur de ces monstres qui se glissent dans les failles qui relient les divers niveaux de réalité : le monde des émerveillés et celui des aveuglés.  Le Merveilleux créole n’est pas guimauve. Mais au contraire très impressionnant. Patrick Chamoiseau le conte avec verve, utilisant un schéma narratif rappelant le duo Potter-Voldemort de J.K. Rowling, en un récit linéaire dynamique, au parler autochtone savoureux, aux références complexes, qui n’hésite pas à théoriser sur le métissage des mythes dans les Iles depuis l’arrivée de Christophe Colomb ! Les oreilles sonnées de mots , le lecteur s’abime dans les images follement inventives proposées à ses yeux. Vive les dessinateurs qui se font rares, ils sont d’autant plus virtuoses. Variant ses mises en pages à coup de doubles planches, d’inclusions, supprimant ses marges, ses cases ou faisant onduler celles-ci, accumulant les objets, imaginant des monstres inédits – dont un comique ! -, saturant ses surfaces de bleus, d’ors, de bronze et de nacre, reproduisant (discrètement dans deux bas de page) des parties du scénario de son compère, Thierry Ségur ose tout… et le réussit ! Premier tome prometteur pour une trilogie d’héroïc-fantasy surfant sur une vague de folklore antillais !