Les Monts de l’Éléphant

CHABAS Jean-François

Derrière les façade des beaux quartiers, les « grandes familles » se désarticulent parfois sous les coups de boutoir de la vie. Celle d’Henri de Lespagne passe, en quelques décennies que dure le roman, de l’éclat du pouvoir et de la richesse à l’ombre des cellules de prison et des petits boulots. Une vie sans amour et sans joie, bousculée dès l’enfance par les phobies des uns et la psychopathologie des autres : dans la fratrie des quatre enfants, dont il est le benjamin, chacun reniera à sa façon l’héritage parental et ses tares. Chocs à répétition qu’ Henri exorcise des années plus tard en les racontant à Promesse, mystérieuse interlocutrice dont le secret n’est dévoilé qu’en fin de parcours.

Le rire cristallin de cette femme, que tous veulent aimer, est l’antidote qu’elle oppose à son propre héritage familial, autrement plus sombre : son frère, enrôlé chez les Khmers rouges, fut l’instigateur du massacre de tout son petit village des Monts de l’Éléphant, à commencer par leurs parents, tués de sa propre main.

Aux antipodes de la vie, le chassé-croisé de ces deux êtres qui ne se parleront qu’un bref instant frappe les esprits. Le trait forcé, presque caricatural, surgit d’une écriture totalement maîtrisée. Mots et situations minutieusement choisis incitent à la réflexion, mais supposent des références pour saisir l’étonnante complexité des portraits.