Le miel et l’amertume

Tanger années 2000 : Dans une maison dont les pièces sont à l’abandon, un homme et une femme vieillissants, terrés au rez-de-chaussée, se déchirent férocement. Bien qu’issu d’un mariage arrangé, leur couple a pourtant connu des années heureuses au début avec trois enfants, dont une fille lumineuse. Mais peu à peu l’homme, honnête mais trop faible, est contraint de céder à la corruption ambiante naturelle au Maroc pour satisfaire aux exigences de sa femme. Puis survient un drame qui consomme la rupture.

C’est l’histoire de la descente aux enfers d’un couple doublement détruit dans sa chair et dans son âme. Superbement écrit par un Ben Jelloun au meilleur de son art, le livre fait le procès d’un Maroc gangréné par la corruption, le matérialisme et l’immoralité des moeurs. Il décortique surtout avec une profonde humanité l’ambivalence et la dégradation des sentiments de ce couple rongé par la culpabilité et le chagrin, l’intensité de leur détestation réciproque, mais aussi leur attachement viscéral en dépit de tout ce qui les sépare. Magnifique figure évoquée en retrait, celle d’un immigré noir mauritanien, symbole d’un retour à l’essentiel, vient, par sa fidélité et sa compassion, mettre du miel sur leurs blessures. Bouleversant ! (J.M. et M.-N.P.)