La langue des bêtes

SERVANT Stéphane

Au Puits des Anges, dans les bois, sur les lieux imprégnés de légendes et de malédictions d’une mine désaffectée, parmi les épaves de voitures et les caravanes éparses, git un vieux chapiteau miteux, tel « un immense navire échoué ». C’est là que grandit Petite, ivre de liberté, auprès de ses parents et d’une poignée de vieux artistes vivant en autarcie. Les spectacles ne brillent plus que dans leurs souvenirs. Bientôt le fragile équilibre de cette petite communauté désenchantée vacille : des engins déboisent, bétonnent et avancent inexorablement vers leur campement. Petite doit aller à l’école.

 

À travers la tragique destinée de ce cirque ambulant aux artistes atypiques et attachants dont nous apprenons le passé au fil de l’intrigue, l’auteur livre une fable envoûtante servie par une écriture  suggestive et poétique qui exalte la beauté sauvage d’une nature omniprésente. Solitaire, la gamine nourrie d’histoires développe un imaginaire où magie et réalité se confondent. Dans cet univers désespéré, elle garde une ingénuité qui lui donne la force de s’émerveiller, de garder l’espoir, de sauver les siens pour continuer ailleurs, à la Ville « ce crapaud sauvage affamé qu’il faudrait apprivoiser ». Un roman dense, magnifique, puissant. (E.-E.H. et F.C.)